Au tournant du XIXème siècle, l'Angleterre du football se passionne pour un gardien de but peu commun : William "Fatty" Foulke, 1m93, 150 kilos.
Who ate all the pies ?
"Who ate all the pies ?" (Qui a mangé toutes les tartes ?) se demandent depuis 130 ans les supporters de Sheffield United dans leur chant le plus célèbre. Le mystère quant à l'identité du coupable demeure toutefois moins épais que le coupable lui-même ! Car le mangeur de tartes, à Sheffield, tout le monde le connaît : il s'agit de Willie "Fatty" Foulke, légendaire gardien du club entre 1894 et 1905. Avec son imposante stature (1m93 pour 150 kilos) et son caractère haut en couleur, le géant des cages s'est imposé comme la première légende du football anglais. Retour sur l'histoire d'un personnage hors-normes.
Un excellent gardien avant tout !
On a souvent tendance à réduire William Foulke à son imposante stature et à ses frasques restées dans la légende. Pourtant, avant tout cela, le "goalkeeper" de Sheffield a surtout été un grand gardien ! Doté d'une agilité étonnante pour un homme de sa carrure, il est resté célèbre pour ses dégagements surpuissants qui n'avaient aucun mal à traverser le terrain. Surtout, à une époque où les charges sur le gardien étaient autorisées, la masse du bonhomme avait de quoi décourager plus d'un téméraire. Solide dans ses cages, effrayant pour les attaquants et utile grâce à son jeu au pied, Foulke a été l'un des artisans majeurs de la période dorée de Sheffield United. Avec son ange gardien dans les buts, le club du Yorkshire remporte deux F.A. Cup en 1899 et 1902 et surtout, le seul championnat d'Angleterre de son histoire en 1898. Pour Foulke, la saison 1897-1898 est d'ailleurs peut-être la plus belle de sa carrière puisque c'est à cette époque qu'il honore sa seule sélection sous les couleurs de l'Angleterre pour un match face au Pays de Galles.
La légende de "Fatty" Foulke
1 sélection, deux FA Cup, 1 championnat d'Angleterre... Bien que la carrière de William Foulke ait été plus qu'honorable, ce sont bien ses frasques et son physique atypique qui l'ont fait passer à la postérité. En 1902 par exemple, lors de la finale de la Cup face à Southampton, Sheffield se fait rejoindre dans les tous derniers instants du match sur un but entaché d'une position de hors-jeu. A l'issue de la rencontre, Foulke, fou furieux, sort nu des vestiaires pour aller dire ses quatre vérités à l'arbitre de la rencontre. Celui-ci devra rester enfermé jusqu'à ce que des officiels de la Fédération Anglaise parviennent enfin à calmer le géant. Lors du replay de cette finale, Sheffield l'emportera finalement grâce à un Foulke des grands jours, sûrement au grand soulagement du nouvel arbitre désigné pour le match ! Outre cet épisode demeuré célèbre, on prête à l'ancien gardien de Sheffield divers exploits plus ou moins vérifiables : il aurait cassé une barre transversale en deux, aurait dévoré tous les petits déjeuners de ses coéquipiers avant une rencontre et serait même à l'origine de l'expression "clean sheet" (littéralement, drap propre). Selon la légende, Foulke aurait en effet disputé une rencontre emmitouflé dans un drap et, son équipe ayant gagné 1-0 sans qu'il ne soit inquiété du match, il aurait gardé le drap propre tout au long de la partie...
Dirigeants avides et bête de foire
Derrière la légende de Foulke, se cache néanmoins une histoire peut-être plus sombre : celle d'un homme considéré comme une bête de foire. Après son transfert à Chelsea, Foulke devient un argument de vente à mesure que son ventre grossit. On raconte que les jours de matchs des Blues, les dirigeants envoyaient un homme dans les rues de Londres avec une pancarte où il était inscrit "Venez voir notre gardien de 150 kilos !" Pour entretenir le mythe, les dirigeants de Chelsea décident de placer à côté du but de Foulke deux jeunes enfants afin que, à leurs côtés, la stature du gardien n'en soit que plus impressionnante. Débordant d'énergie et trop heureux de côtoyer des professionnels de si près, les enfants vont très vite aller récupérer les ballons sortis des limites du terrain pour les rendre aux joueurs : les ramasseurs de balles étaient nés.
A mesure que son âge avance et que ses performances déclinent, Foulke devient ainsi plus une attraction publicitaire qu'un joueur à part entière. A une époque où la société européenne se fascine pour tout ce qui sort de l'ordinaire (c'est le temps des tristement célèbres zoos humains...), Foulke rejoint peu à peu le rang des bêtes de foire à l'instar de la femme à barbe Clémentine Deleau en France ou de Joseph "Elephant Man" Merrick quelques années auparavant. S'il n'est pas "exposé" au sens propre du terme, impossible de ne pas voir l'exploitation malsaine dont il est l'objet. Après sa carrière, Foulke sera rapidement délaissé par le monde du football et tombera dans un alcoolisme profond. Il décèdera d'une cirrhose en 1916 à seulement 42 ans.
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