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Super League Européenne : les 12 salopards ?





Le couperet est tombé ce lundi à minuit. En publiant conjointement un communiqué pour annoncer la création de la tant redoutée Super League Européenne, le Real Madrid, le FC Barcelone, l’Atletico Madrid, Liverpool, Manchester United, Manchester City, Arsenal, Tottenham, Chelsea, l’Inter Milan, le Milan AC et la Juventus Turin ont sifflé la fin de 70 ans d’histoire du football européen. Quelques minutes après l’annonce, le président du Real Madrid et de la nouvelle Super League, Florentino Pérez explique :« Le football est le seul sport global et le seul à compter 4 milliards de fans et notre responsabilité, en tant que grands clubs, est de satisfaire les attentes des supporters ». Il n’aura donc même pas fallu une heure pour que les putschistes du football européen tentent de prendre les fans de football pour des imbéciles. Car, bien évidemment, s’il y a une frange de personnes qui n’a pas été consulté pour bâtir ce projet, il s’agit bien des supporters…


Avant d’entrer dans les détails, il est nécessaire de revenir sur le projet présenté. La Super League débutera dès la saison prochaine et mettra aux prises 20 équipes : les 12 clubs fondateurs, 3 autres clubs espérés, et 5 clubs qui se qualifieraient chaque saison. Dans le communiqué publié par les 12 fondateurs, ces derniers expliquent que les clubs prendront toujours part à leur championnat domestique mais qu’ils ne participeront plus à la Ligue des Champions. Cependant, les différentes fédérations européennes ont toute indiqué que tout club prenant part à la Super League sera exclu de son championnat.


La Super League Européenne : quel intérêt pour les participants ?


Bien loin de simplement espérer « satisfaire les attentes des supporters », les fondateurs de la Super League y voient surtout un moyen de ne plus être à la merci économiquement parlant de l’incertitude sportive. Si l’on prend l’exemple de Liverpool, le club étant actuellement en mauvaise posture en Premier League, il pourrait être privé d’une qualification en Ligue des Champions et donc de l’incroyable manne financière qu’elle génère. Avec la Super League, plus de problème : les clubs fondateurs pourraient compter chaque année sur des revenus colossaux (on parle de 5 milliards pour les 20 clubs contre 2 milliards pour les 32 participants à la Ligue des Champions) leur permettant d’amasser toujours plus d’argent, sans dépendre de la forme sportive de leur équipe. Au moment où un championnat comme la Premier League est toujours plus relevé, il n’est donc pas étonnant de voir six clubs anglais fuir vers la Super League, craignant d’être déclassés dans leur propre championnat. De plus, en créant leur propre Ligue, les clubs fondateurs ne dépendent plus de l’UEFA qui leur a tant mis de bâtons dans les roues ces dernières années en instaurant le fair-play financier par exemple. Ils pourront désormais se surendetter en toute tranquillité…


Pourquoi la Super League suscite-t-elle autant de défiance ?


Les réactions à l’annonce de la Super League ont été très majoritairement négatives, surtout parmi les supporters historiques des clubs concernés. Les groupes de supporters de Tottenham et Manchester City ont par exemple tous deux publiés un communiqué pour marquer leur opposition face aux choix de leurs dirigeants. Chez les anciens joueurs ou entraîneurs, c’est aussi la soupe à la grimace. Autrefois rivaux sur les terrains, l’ancien Red Devil Gary Neville et l’ex Red Jamie Carragher se sont tous deux dits « dégoûtés » par le choix de leurs clubs. Si la Super League est tant décriée par les supporters historiques c’est d’abord parce qu’elle met un terme aux incertitudes du sport. A quoi vont ressembler les matchs de fin de saison entre deux équipes de bas de classement n’ayant plus d’espoir de jouer les premiers rôles mais n’ayant pas la crainte d’être relégués ? Est-ce donc ça le « grand spectacle » promis ? De plus, au fil du temps, les supporters se sont attachés à la Ligue des Champions, à son hymne, à son histoire. Que serait Liverpool sans les magiques nuits européennes d’Anfield ? Les défenseurs du projet nous rétorqueraient que, grâce à la Super League, les supporters des Reds vont avoir le droit chaque week-end à des grands matchs européens. Ils oublieraient que ce qui fait le charme de ces matchs, c’est bien évidemment leur rareté. A la fin de chaque saison, les passionnés de football attendent de voir les clubs majeurs des différents championnats s’affronter enfin, après des semaines et des semaines de spéculations sur la supériorité de telle ou telle équipe sur une autre. Avoir ces grands matchs toutes les semaines leur ferait perdre une grande partie de leur charme, de la même manière que Noël ne serait pas si magique s’il tombait chaque semaine.


Quels obstacles pour la Super League ?


Depuis hier, les menaces pleuvent sur les 12 clubs fondateurs de la Super League. Du côté des Ligues Nationales, toutes ont annoncé l’exclusion de tout club prenant part à la nouvelle compétition. Financièrement, les clubs ont les moyens de quitter leurs championnats domestiques, tant les revenus espérés de la Super League sont immenses. Toutefois, un départ des championnats renforcerait encore la gronde des supporters, tant ceux-ci sont attachés aux rivalités locales. En effet, une telle décision mettrait par exemple un terme à des dizaines et des dizaines d’années de derbys annuel entre Liverpool et Everton ou la Juventus et le Torino. Néanmoins, les clubs concernés ne semblent pas craindre une gronde des supporters. Dans leur optique, une fois que la compétition démarrera, les critiques s’éteindront. Pour autant, certains clubs comme le Barça ou le Real devront obligatoirement avoir l’aval de leurs supporters pour intégrer la Super League puisque ceux-ci jouent un véritable rôle dans la direction des clubs. Cependant, la menace la plus sérieuse pour la tenue de la Super League reste celle brandit par la FIFA il y a de ça quelques semaines : les joueurs participant à cette compétition pourrait être interdit de défendre les couleurs de leur sélection. Si elle était entérinée, une telle décision serait un véritable coup dur pour la Super League puisqu’il y a fort à parier que de nombreux joueurs refuseraient de tourner le dos à leur équipe nationale. Dans un tel cas de figure, la Super League serait probablement vouée à l’échec. Toutefois, de nombreux combats judiciaires devraient être livrés pour qu’une telle mesure soit mise en place. A l’arrivée, le plus grand obstacle à la réussite de la Super League est peut-être la non-participation de clubs comme le Bayern Munich ou le PSG. En restant fidèles à la Ligue des Champions, ils assurent à la Coupe aux Grandes Oreilles la conservation d’un certain prestige et l’assurance de matchs de haute-volée. De plus, un suspens retrouvé dans différents championnats et l’émergence de nouvelles équipes en haut de l’affiche pourrait redonner du piment à un football européen mis à mal par la domination sans partage de quelques mastodontes…


Pourquoi ça peut marcher ?


Si les critiques sont aujourd’hui légion et les obstacles nombreux, il serait faux de dire que la Super League est vouée à l’échec. Soutenue financièrement par la puissante banque américaine JPMorgan, la Super League dispose d’une puissance économique sans précédent qui devrait lui assurer une bonne stabilité financière dans les premiers temps du moins. Signe de la confiance des investisseurs dans ce projet, la côte en bourse de la Juventus Turin a augmenté de 10% ce matin. Outre la puissance financière, le spectacle proposé pourrait attirer son public. Si les supporters historiques pourraient largement se détourner d’un tel projet dans un premier temps, ils pourraient ne pas supporter de s’éloigner de leur club de cœur et revenir en masse à l’heure des matchs décisifs. De plus, ces supporters ne représentent plus aujourd’hui qu’une minorité parmi les fans de football, notamment dans les grands clubs. A l’heure où le football est devenu de plus en plus individualisé, beaucoup de fans de football ne soutiennent plus une équipe mais un joueur. Ainsi, lorsque Ronaldo quitta le Real pour la Juve, bon nombre de ses fans ont délaissé les madrilènes pour les Bianconeri… En outre, au sein même des stades, l’augmentation du prix des billets depuis une vingtaine d’années a entraîné un renouvellement du public. Le plus souvent issu de classes populaires, les supporters historiques se sont vu être remplacés par des amateurs de football venant au stade pour apprécier un spectacle et non pour supporter une équipe. Pour ces nouveaux venus, la promesse d’un spectacle de qualité supérieure pourrait être un argument déterminant pour les convaincre de venir au stade ou de regarder les matchs à la télévision sur des chaînes forcément payantes…


Notre avis


La Super League européenne est probablement la pire chose qui pouvait arriver au football européen. Plutôt que de réduire des inégalités grandissantes entre les différents clubs européens, les grands clubs historiques ont décidé de creuser un fossé entre eux et le reste du monde. Fuyant lâchement la compétition par peur d’être déclassés, ils ont privilégié la sécurité financière à l’intérêt sportif, tout en continuant de considérer les supporters comme de simples clients plutôt que comme les acteurs majeurs du football qu’ils sont. Encore plus regrettable jusqu’alors est le mutisme des joueurs concernés. Aucun joueur n’évoluant dans l’un des douze clubs n’a pour le moment pris la parole pour protester contre ce projet… A l’heure actuelle, il nous semble que le football européen est à un tournant de son histoire : soit la Super League trouve son public et les conséquences seront rédhibitoires pour les championnats nationaux et la Ligue des Champions, soit elle échoue et les grands clubs de toujours risque d’être sévèrement touchés par cet échec. Dans les deux cas, le football en sortira perdant.

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