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Les moments marquants de l’Euro : miracle à la grecque (n°5)

Dernière mise à jour : 27 juil. 2021


En 2004, la Grèce remporte l’Euro à la surprise générale en s’imposant face aux hôtes portugais en finale. Retour sur une des plus grandes surprises de l’histoire du tournoi.


La guerre à l’AEK


« Le groupe vit bien ». Voilà, probablement la phrase la plus prononcée par les joueurs et sélectionneurs des équipes nationales à l’approche des grandes compétitions. Pourtant, on ne mettrait pas notre main à couper qu’Otto Rehhagel, sélectionneur de la Grèce, ait osé utiliser ce poncif à l’approche de l’Euro 2004 organisé au Portugal. En effet, le sélectionneur allemand a du pain sur la planche. En plus d’avoir à gérer des résultats sportifs décevants (défaites 0-4 et 0-1 contre les Pays-Bas et la Pologne en préparation), Rehhagel doit faire face à une véritable scission de son vestiaire. La raison de l’ambiance délétère dans le vestiaire grec est peu banale. Leader d’attaque de la sélection depuis plusieurs années, le buteur de l’Atlético Madrid Themistoklis Nikolaïdis (31 ans), s’apprête à disputer la dernière compétition de sa carrière. Après l’Euro, Nikolaïdis raccrochera les crampons pour prendre la présidence de son club de cœur : l’AEK Athènes. A cette époque, l’AEK connaît d’importants problèmes financiers et Nikolaïdis a été très clair : d’importants efforts salariaux vont devoir être consentis par les joueurs. Toutefois, ces derniers ne l’entendent pas de la même oreille. Menés par Vassilios Tsiartas, milieu offensif de 32 ans, les joueurs de l’AEK sont d’ores-et-déjà partis au bras de fer avec leur futur président. Le problème, c’est que Nikolaïdis est encore bien joueur et qu’il est sélectionné pour l’Euro au même titre que Tsiartas et cinq autres frondeurs de l’AEK. Aidé de son capitaine Theodoros Zagorakis, Otto Rehhagel doit donc impérativement régler ce problème s’il veut que son groupe n’implose pas. Mission impossible à première vue mais pas pour Otto Rehhage. Grâce à un sens du management hors-pair, le sélectionneur allemand va réussir à imposer une trêve entre Nikolaïdis et les joueurs de l’AEK juste avant le début de la compétition. Les grecs sont désormais prêts à partir au combat.


Divine surprise et réussite maximale


Pour leur entrée dans la compétition, les grecs ont tiré le gros lot : affronter le Portugal, pays hôte, pour le match d’inauguration du tournoi. Pas le plus facile pour une équipe qui n’a jamais remporté la moindre rencontre dans une compétition officielle ! Si la Grèce compte dans ses rangs quelques bons joueurs tels que Zagorakis, Karagounis ou encore le solide milieu défensif Katsouranis, c’est sans commune mesure face à l’armada portugaise : Figo, Simao, Pauleta, Rui Costa, Deco ou encore un tout jeune attaquant de 19 ans : Cristiano Ronaldo. Pourtant, ce sont bien les grecs qui entrent le mieux dans la rencontre face à des portugais totalement tétanisés. Profitant d’une mauvaise passe de Paulo Ferreira, Karagounis ouvre le score dès les premières minutes pour la Grèce. S’appuyant sur une « phénoménale machine défensive »[1],les grecs repoussent sans souci les timides assauts des hommes de Luiz Felipe Scolari. Juste après la mi-temps, ils parviennent même à faire le break sur un pénalty consécutif à une faute de Cristiano Ronaldo. Si le futur quintuple Ballon d’Or réduira la marque sur corner en fin de rencontre, les hommes de Rehhagel tiendront le coup pour arracher une victoire aussi méritée qu’inattendue.

Cette victoire grecque est un véritable coup de tonnerre, aussi bien au Portugal qu’en Grèce. A Athènes, des scènes de liesse hors du commun suivent la victoire des coéquipiers de Zagorakis, devenus de véritables héros nationaux. Pour autant, le sélectionneur Rehhagel rappelle tout le monde à l’ordre : le travail n’est pas fini. S’ils veulent sortir des poules, les grecs doivent encore obtenir de bons résultats face à l’Espagne et à la Russie. Face aux ibériques, les grecs tiennent le coup et arrachent le nul (1-1) alors que dans le même temps, le Portugal se ressaisit face à la Russie (2-0). Avant la dernière journée, l’Espagne et la Grèce se partagent donc la tête du classement avec 4 points, talonnés par le Portugal (3 pts). Avec 0 point au compteur, les russes sont déjà éliminés. A priori, la qualification semble donc assurée pour les grecs puisqu’un nul leur suffiraient face à des russes qui n’ont plus rien à jouer. Oui mais voilà, favoris d’une rencontre pour la première fois depuis le début du tournoi, les hommes de Rehhagel déjouent totalement. Submergés par les attaques d’une Russie décomplexée, la défense grecque, si solide depuis le début du tournoi plonge totalement. Au bord du précipice, les coéquipiers de Karagounis s’en sortent finalement grâce à un but de Vryzas peu avant la mi-temps. Malgré la défaite, les Grecs devancent l’Espagne, elle aussi défaite face au Portugal … grâce à une meilleure attaque ! Un comble pour une équipe restée dans les mémoires pour son organisation défensive !


Signé Charisteas


Soulagés de leur qualification après cette ultime frayeur, les Grecs ont d’ores et déjà réussi leur Euro en atteignant les ¼ de finale pour la première fois de leur histoire. Sur leur route se dresse une équipe de France en reconstruction, deux ans après la désillusion du Mondial 2002. Portés par un Zizou divin face à l’Angleterre (deux buts dans les dernières minutes pour offrir une victoire 2-1 aux français), les Bleus font figure d’immenses favoris face aux novices grecs. Mais ces-derniers ne sont jamais si forts que lorsqu’on ne les attend pas. Remettant le marquage individuel au goût du jour, les grecs musèlent parfaitement Zidane, Henry et Trézéguet, tous trois totalement impuissant. Plus forts physiquement et même techniquement tant le déchet des Bleus est grand, les Grecs frappent peu après l’heure de jeu. Sur un bon centre de Zagorakis, Charisteas s’élève et catapulte le ballon de la tête dans les filets de Barthez. La France ne reviendra plus. La Grèce est en demi-finale.


Opposition de styles


L’avant-dernier obstacle à se dresser face aux Grecs est la République Tchèque, véritable sensation du tournoi. Rosicky, Nedved, Baros, Jankulowski, Koller, Cech… les tchèques disposent d’une véritable génération dorée qui a ébloui tous les spectateurs dès la phase de poules en renversant les Pays-Bas (menés 2-0, les tchèques l’emportent finalement 3-2). Déjà auteur de cinq buts depuis le début du tournoi, l’avant-centre de Liverpool Milan Baros fait figure d’épouvantail. Entre la fougue tchèque et la solidité grecque, cette demi-finale fait donc figure de véritable opposition de styles. Chacun y va de son petit pronostic comme Gérard Houiller qui déclare dans L’Équipe que « le verrou grec sautera ». Ce serait un euphémisme de dire que l’ancien manager de Liverpool n’a pas vu juste sur ce coup-là. Totalement intraitables défensivement, les hommes de Rehhagel vont littéralement écœurer les attaquants tchèques. Tenant le coup pendant 90 minutes grâce notamment à un remarquable Traïanos Dellas en défense, les hellènes épuisent des tchèques privés de Nedved dès la 30ème minute après un choc avec le gardien grec Nikopolidis. En prolongations, c’est finalement Dellas, définitivement homme du match qui crucifie Cech sur corner. A l’image des Pays-Bas en 1974, de la Croatie en 2016 voir de la Belgique en 2018, la République Tchèque est ainsi éliminée malgré son statut d’équipe pratiquant le meilleur football de la compétition.


Le plus grand exploit de l'histoire du football ?


Pour la première fois de l’histoire de l’Euro, la finale de la compétition est un remake du match d’inauguration : Portugal – Grèce. Après des débuts chaotiques, les portugais se sont bien ressaisis et ont éliminé les anglais et les hollandais, portés notamment par un Deco touché par la grâce. Cette fois, les hommes de Scolari sont prévenus : la Grèce ne doit absolument pas être sous-estimée. Toutefois, la France et la République Tchèque aussi étaient prévenus, mais tous deux sont tombés dans le piège. Pour la finale, Rehhagel doit se passer de Karagounis suspendu mais qu’importe : en l’espace d’un peu moins d’un mois, il a créé un groupe de morts de faim capables de se sacrifier pour le collectif. En effet, la pratique à outrance du marquage individuel qu’on pensait disparu à jamais implique un total dévouement des joueurs à la cause collective. Ce dévouement va permettre aux hommes de Rehhagel de réaliser le dernier exploit, celui qui va les faire entrer à jamais dans l’histoire. Une fois encore imperméables en défense, les grecs font preuve d’une efficacité redoutable en attaque. Obtenant leur premier et unique corner peu avant l’heure de jeu, les hellènes ne laissent pas passer leur chance et ouvrent le score grâce à Charisteas sur le premier et unique tir grec de la partie. Derrière, rideau. Trente minutes de défense acharnée puis le coup de sifflet final de M. Merk. La Grèce, qui n’avait jamais gagné un seul match lors de ses deux seules phases finales (1 Euro et 1 Coupe du Monde) est au sommet de l’Europe. Un exploit hors du commun dans l’histoire du football, que seule la victoire de Leicester en Premier League en 2015-2016 peut peut-être concurrencer.

[1] L’Équipe, 13 juin 2004

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