Vous l’avez élu moment le plus marquant de l’histoire de l’Euro. Retour sur le sacre de l’équipe de France de Michel Platini en 1984.
Au rendez-vous des bons copains
Le 26 juin dernier, les Champions d’Europe 1984 se sont retrouvés à Cassis, dans la demeure de Jean Tigana afin de rendre hommage à Michel Hidalgo disparu il y a un an. Dans l’article réalisé par L’Équipe pour l’occasion, Luis Fernandez ne tarit pas d’éloges sur ses anciens comparses du « carré magique », le fameux milieu de terrain qu’il formait avec Michel Platini, Jean Tigana, Alain Giresse. Il explique : « Mon trésor à moi, c’est d’avoir joué avec ces garçons. Je me sentais fort à leurs côtés. Je ne pourrais jamais me fâcher avec l’un d’eux ! Je les ai admirés, je les ai aimés, ça durera toujours ! ». Trente-sept ans après leur sacre, le lien indéfectible qui unit les premiers champions d’Europe français de l’histoire ne s’est donc jamais brisé. De par leur jeu flamboyant, leurs exploits mais aussi leurs échecs, ils ont su bâtir un véritable groupe devenu avec le temps bien plus qu’une simple équipe de football. Définitivement entrés dans le cœur des Français un triste soir d’été 1982, ils ont rendu tout un pays ivre de bonheur deux ans plus tard en décrochant le premier titre majeur de l’histoire de l’Équipe de France. Près de quarante ans plus tard, cette victoire face à l’Espagne en finale de l’Euro demeure encore et toujours votre moment le plus marquant de l’histoire du championnat d’Europe des Nations.
« Comme des élèves de maternelle oubliés par leur mère »
On dit souvent que c’est dans les pires défaites que se construisent les plus grandes victoires. Ce vieil adage usé jusqu’à la moelle se révèle on ne peut plus véridique pour l’Équipe de France des années 1980. L’histoire a été racontée des milliers de fois, comme un traumatisme qui se transmet de générations en générations. La France des années 2020 aura France – Suisse, celle des années 2000 a eu France – Italie 2006, celle des années 90 France – Bulgarie 1993 mais aucun de ces scénarios ne peut atteindre le niveau de dramaturgie du fameux France – Allemagne de Séville 1982. Une avance de deux buts en prolongations qui s’évapore, un attentat non sifflé du gardien allemand Schumacher sur Patrick Battiston, une défaite aux pénaltys pour une Équipe de France bien plus séduisante que son adversaire : voilà les ingrédients du plus grand drame de l’histoire des Bleus. Au coup de sifflet final, ne reste plus que des joueurs complètement hagards, en larmes, « comme des élèves de maternelle oubliés par leur mère » pour reprendre les mots du sélectionneur Michel Hidalgo. Ce soir-là, la France entière crie à l’injustice et pleure avec ses héros. S’ils viennent de voir un titre de champion du monde leur filer sous le nez, Platini et sa bande ont définitivement conquis le cœur des Français.
Michel et Michel
Populaires comme jamais, Hidalgo et les siens ont l’occasion de prendre leur revanche deux ans après Séville 1982. En effet, l’Euro qui se profile est organisé en France et les Bleus pourront s’appuyer sur l’ossature de l’équipe qui a failli devenir championne du monde deux ans plus tôt. Des 22 de France – Allemagne 1982, ils sont 11 à être toujours présents en 1984 mais pas des moindres : Bossis, Amoros, Battiston, Genghini, Platini, Tigana, Giresse, Bellone, Lacombe, Six et Rocheteau. Sélectionneur visionnaire, Hidalgo a tout de même su faire évoluer son équipe en incluant notamment dans son onze de départ le tout jeune Luis Fernandez qui a pris la place de Bernard Genghini au sein du milieu de terrain français. En place depuis 1976, Michel Hidalgo est d’ailleurs sans conteste l’un des deux grands artisans des succès bleus des années 80. Arrivé en 1976 à un moment où l’Équipe de France était au fond du trou, il a su redresser la sélection en faisant confiance à des jeunes joueurs dont un certain Michel Platini, 20 ans au moment de sa première sélection pour la première de Michel Hidalgo. Surtout, l’ancien international (1 sélection en 1962) est le premier à avoir imposé une véritable identité de jeu à l’Équipe de France. En n’hésitant pas à faire évoluer ensemble trois numéros 10 (Genghini, Platini, Giresse), il a mis en place une équipe flamboyante, résolument tournée vers l’attaque. Pour mener à bien son projet, Hidalgo s’est bien évidemment appuyé sur Michel Platini, le plus grand joueur de l’époque avec Diego Maradona. Aussi brillant à la passe qu’à la finition, Platini est bien évidemment le facteur X de cette équipe, au même titre que Zidane pour France 98. Lors de l’Euro 1984, « Platoche » marche d’ailleurs véritablement sur l’eau, inscrivant pas moins de 9 buts en seulement cinq rencontres, le tout en évoluant au milieu de terrain. Brillant en phase de poules, c’est encore lui qui permet à la France d’arracher son billet pour la finale. Lors de la demi face au Portugal, il offre la victoire aux Bleus à la 119ème minute d’une frappe du droit pleine de sang-froid qui crucifie les espoirs portugais. Grâce à leur meneur de jeu, les hommes d’Hidalgo sont désormais à un match de l’histoire.
A jamais les premiers
Paradoxalement, la finale de l’Euro 1984 face à l’Espagne est probablement le moins bon match des Bleus au cours de la compétition. Constamment bousculés par le pressing espagnol, les Français ne parviennent pas à déployer leur jeu. Surveillé comme le lait sur le feu, Platini réalise lui aussi son moins bon match du tournoi mais il est suppléé par un collectif hors du commun. En défense par exemple, Maxime Bossis, le héros malheureux de la séance de tirs aux buts de Séville, se montre intraitable et annihile les attaques espagnoles. Au milieu, c’est l’infatigable Jean Tigana qui ratisse tous les ballons qui passent dans sa zone et qui s’occupe de les relancer proprement. Mais dans une rencontre assez terne, les Bleus vont finalement s’en sortir grâce coup de pouce du destin. A la 57ème minute, Platini frappe un coup-franc à l’entrée de la surface qui se dirige tout droit sur le gardien et capitaine de la Roja Luis Arconada. Pourtant excellent portier, celui-ci se déchire totalement et laisse filer le ballon sous son ventre en tentant de le capter en se couchant dessus. Comme un symbole, ces Bleus si longtemps maudits bénéficient enfin du petit surplus de chance qui fait la différence entre un vainqueur et un vaincu. Sonnés par cette erreur, les Espagnols ne s’en relèveront jamais et encaisseront un deuxième but par Bruno Bellone en fin de rencontre. Cette fois, ça y est, après quatre-vingts ans d’histoire, la France inscrit enfin son nom au palmarès d’une compétition majeure. Le temps d’un été, Bossis, Domergue, Tigana, Six, Bellone, Fernandez, Platini, Giresse et les autres ont su apaiser la douleur de 1982 et ont enfin troqué leur étiquette de losers magnifiques pour celle de véritables champions. Deux ans plus tard, ils offriront à la France une dernière soirée magique à la faveur d’une victoire fabuleuse face au Brésil en ¼ de finale de Coupe du Monde, comme un cadeau d’adieu pour un pays qui les a tant aimé.
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