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Les 50 qui ont marqué la Coupe du Monde : Roger Milla

Plus vieux buteur de l'histoire de la Coupe du Monde grâce à son but inscrit à 42 ans lors du Mondial 1994, Roger Milla a surtout marqué l'histoire du Mondial quatre ans plus tôt lorsque, revenu de nulle part, il avait porté les Lions Indomptables jusqu'en quarts de finale. Le tout en dansant, bien évidemment !

Roger Milla en pleine célébration. Image : FIFA.com

Et si …


15 juin 1982, 18h22.

« On vient de passer l’heure de jeu ici au Stade de Riazor de la Corogne et le Pérou est tenu en échec par une surprenante équipe du Cameroun ! Les Lions Indomptables, qui participent à leur première Coupe du Monde, sont en train d'étonner bon nombre d’observateurs qui les imaginaient enchaîner les lourdes défaites. Mais voilà que le ballon est dans les pieds de Milla, l’avant-centre de Bastia, il est dos au jeu mais parvient à se retourner, Milla toujours, il trouve un relais avec Mbida qui la lui remet, Milla est désormais seul face au gardien péruvien Ramon Quiroga, il le crochète … EETTTT BUUUUUTTT ! BUT POUR LE CAMEROUN ! ROGGERR MILLA ! Oh non attendez ! L’arbitre de touche a levé son drapeau ! Hors-jeu ! Oh je n’en suis vraiment pas certain ! Mais le jeu reprend son cours et le ballon est désormais dans les pieds de Cubillas... »


Et si ce but n’avait pas été annulé ? Le Cameroun l’aurait peut-être emporté 1-0 et, à la faveur de ses deux matchs nuls suivants face à la Pologne et l’Italie, il aurait terminé en tête de son groupe. Roger Milla serait devenu une star mondiale et l’Italie, éliminée dès le premier tour, aurait connu un retour au pays très compliqué. Son buteur, Paolo Rossi, muet durant toute la phase de poule ne s’en serait peut-être jamais remis. Mais le hors-jeu a été sifflé. L’Italie, à égalité avec le Cameroun à l’issue de la phase de poules, s’est qualifiée à la faveur d’une meilleure attaque que les Lions Indomptables. Derrière, elle est devenue championne du monde et son attaquant, le si décrié Paolo Rossi, a été élu meilleur joueur de la compétition et est devenu Ballon d’Or. Et Roger Milla dans tout ça ? Il lui faudra simplement attendre huit ans de plus avant d’entrer dans la légende.


Au jubilé de Théophile Abega


En ce printemps 1990, Roger Milla, 38 ans est désormais assez loin du football. Certes, il joue toujours en DH du côté de Saint-Pierroise à la Réunion mais sa carrière est derrière lui. Ses apparitions, il les réserve pour des matchs d’exhibition à l’image de ce jubilé de Théophile Abega, un ancien de la génération 1982. Revenu au pays pour l’occasion, Milla peut constater que sa côte de popularité n’a en rien diminué : la star, c’est lui ! Pour faire plaisir au peuple, à son peuple, l’ex-attaquant de Valenciennes, Monaco ou encore Bastia s’est préparé et il apparaît en forme. Très en forme même. Tellement en forme que les Camerounais présents sur place en viennent à le réclamer pour le Mondial italien qui se profile ! Un avis partagé par le président de la République Paul Biya qui fait savoir au sélectionneur russe Valeri Nepomniachi qu’il serait préférable pour lui que Milla participe à la Coupe du Monde. Et voilà comment, à 38 ans, l’ancienne idole du Tonnerre de Yaoundé est de retour aux affaires pour la plus importante des compétitions.


Un vieux lion isolé


Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le retour de Milla ne faire pas l'unanimité. Loin de partager l’avis de son président, le Ministre des Sports complote contre le retour de Milla et celui de Thomas Nkono, portier mythique de la sélection redevenu numéro 1 au détriment de Joseph-Antoine Bell, coupable d’avoir quémandé des primes à la Fédération Camerounaise. Il faut dire qu’à l’époque, la majorité des joueurs sélectionnés évoluent au Cameroun et sont encore amateurs. Sans équipements ou presque, les joueurs doivent même se cotiser pour offrir au médecin une trousse à pharmacie digne de ce nom ! Dans ce contexte, le retour de Milla est plus que fraîchement accueilli par ses jeunes partenaire lors du stage de préparation en ex-Yougoslavie. Estimant que celui-ci a été sélectionné en raison de son passé et non de ses qualités, les jeunes lions laissent leur aîné à l’écart et n’hésitent pas à le secouer lors des séances d’entraînement. Ce climat délétère, Milla fait avec comme il l’expliquera lors d’une interview à L’Equipe en 2014 : « C’était très très dur à vivre. Si je n’avais pas été travailleur, j’aurais abandonné. Ma préoccupation, c’était le Cameroun. Le ministre des Sports lui-même avait tenu une réunion avec les autres joueurs pour me fracasser ! »


Il danse le Milla


Mis à l’écart, testé au cours de lourdes séances physiques destinées à le faire craquer, lui, le vétéran de l’équipe, Milla tient le coup. Puis, il va mettre tout le monde d’accord. D’abord lors des matchs amicaux où il montre qu’il n’a rien perdu de sa classe. Insuffisant toutefois pour convaincre son sélectionneur de le faire débuter lors du match d’ouverture contre l’Argentine de Maradona. Donnée archi-favorite, l’Albiceleste passe totalement au travers face à des Camerounais déchaînés. Bien que réduits à 10 après l’exclusion d’André Kana par l’arbitre français Michel Vautrot, les Lions Indomptables ouvrent le score par François Oman-Biyik à la 67ème minute et tiennent le coup jusqu’au bout ! Pour la première fois de l’histoire, une nation africaine l’emporte contre un champion du monde en titre et crée un véritable séisme sur la planète football.

Attendus au tournant lors de leur second match de poules face à la Roumanie, les Camerounais peinent pendant plus d’une heure à confirmer leur exploit argentin. Pour dynamiter son attaque, le sélectionneur Nepomniachi lance son vieux lion Roger Milla peu avant l’heure de jeu. En trente minutes, l’attaquant va entrer dans l’histoire. A la 76ème minute, il détruit un défenseur central roumain au duel aérien avant de conclure tranquillement d’une belle frappe du gauche puis, dix minutes plus tard, il double la mise d’un ballon surpuissant qui vient se loger sous la barre. A 38 ans, Roger Milla devient le plus vieux buteur de l’histoire de la Coupe du Monde. Et il le célèbre… en dansant, du jamais vu à l’époque ! Le joker de luxe du Cameroun, qui écoulait paisiblement ses jours du côté de la Réunion quelques semaines auparavant vient de devenir le héros de la plus prestigieuse des compétitions.


Milla VS Higuita


Nouvelles coqueluches du Mondial, Milla et son Cameroun se qualifient ainsi pour les 1/8ème de finale, une première pour une nation africaine. Après une défaite anecdotique contre l’URSS lors de l’ultime match de poules, ils se retrouvent donc opposés à la Colombie du génial Carlos Valderrama et du fantasque gardien René Higuita. Une fois encore, la rencontre est âprement disputée et les équipes ne parviennent à se départager. Comme face à la Roumanie, Milla entre en jeu peu avant l’heure de jeu mais il ne parvient cette fois pas à faire la différence de suite. 0-0 à l’issue du temps réglementaire, ce sera la prolongation. Puis, à la 106ème minute tout bascule. Le numéro 9 camerounais reçoit le ballon aux 30 mètres, élimine un premier adversaire d’un superbe contrôle orienté puis, un deuxième d’un coup de rein surprenant pour un homme de 38 ans avant de conclure une frappe du gauche sous la barre. Le stade exulte, ce vieux lion là est éternel. D’autant plus que trois minutes plus tard, il profite d’une fantaisie de René Higuita - une tentative de crochet à quarante mètres de son but – pour doubler la mise et enflammer le San Paolo de Naples. La réduction du score de Bernardo Redin en fin de match n’y changera rien, le Cameroun est en 1/4 de finale.


Dans l’histoire du Mondial


Au Cameroun, on se prend à rêver après ce nouvel exploit des Lions Indomptables. Dans les rues de Yaoundé, hommes et femmes s’imaginent déjà en finale, chantent et surtout dansent la makossa à l’image de leur héros Milla. Malheureusement, la marche suivante sera celle de trop pour les coéquipiers de François Oman-Biyik.

Opposés aux Anglais de Bobby Robson, les Camerounais encaissent un but de David Platt dès la 25ème minute de jeu avant que, une fois encore Milla ne les remette sur des bons rails. Entré à la mi-temps, le vétéran obtient d’abord un pénalty, transformé par Emmanuel Kundé à l’heure de jeu, puis, quatre minutes plus tard, il délivre une offrande qu’Eugène Ekeke ne se prive pas de concrétiser. A moins de 25 minutes du terme, le Cameroun semble tenir son exploit mais peine de plus en plus physiquement. Subissant les assauts répétés des coéquipiers de Paul Gascoigne, le portier camerounais Thomas Nkono finit par céder à sept minutes du coup de sifflet final, sur un pénalty de Gary Lineker. En prolongations, l’attaquant anglais démontrera de nouveau son habileté dans l’exercice en transformant un deuxième tir au but qui mettra un terme au conte de fées camerounais. Battus avec les honneurs, les Lions Indomptables viennent tout de même d’entrer dans l’histoire, et ils le doivent en grande partie au retour en grâce du pré-retraité Milla. Devenu une icône mondiale, l’ex canonnier du Tonnerre Yaoundé poussera la prouesse plus loin en améliorant encore son record quatre ans plus tard. Alors âgé de 42 ans, il inscrira un but face à la Russie lors du Mondial 1994, but qu’il célèbrera bien évidemment … en dansant !

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