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Les 50 qui ont marqué la Coupe du Monde : Michel Platini

Capitaine charismatique d'une équipe de France de rêve, Michel Platini fut proche d'offrir aux Bleus leur premier titre mondial avant que les Allemands ne brisent son rêve. Pour Foot Universal, Didier Bonnaure se souvient...

Michel Platini en 1982. Image : Archives AFP

Préambule


Le 17 mai 1987 Michel Platini mettait un terme à son immense carrière. Il nous aura offert des moments de légende tout au long de ses années passées sur les terrains. De ses débuts à Nancy marqués par une victoire en Coupe de France en passant par St Étienne et jusqu'à son triomphe Turinois sa carrière en club aura été exceptionnelle. Mais ce qui aura marqué le grand public ce sont surtout ses onze années passées sous le maillot bleu. Avec en point d'orgue un Euro 1984 survolé comme rarement une compétition internationale l'aura été par un joueur. Bizarrement son aventure avec la coupe du monde aura été grandement contrarié par les pépins physiques. Malgré tout son apport à cette compétition est indéniable. Il est un des artisans principaux d'un des matchs à la dramaturgie la plus folle.

Vous l'aurez compris je veux parler de la soirée de Séville et de l'incroyable France - RFA.


De Glasgow à Séville


A cette époque j'ai découvert le football il y a 6 années par la grâce d'une soirée Écossaise où 11 petits hommes verts ont créé un immense espoir au sein des foyers français. Ils ont vite été relayé par ce jeune lorrain en passe de devenir le meilleur joueur au monde. Ma passion du football vient donc en grande partie de celui que les italiens allaient surnommé El Reï.

Et en ce soir de juillet 82 comme des millions de français je m'apprête à vivre un moment incroyable. Tout n'a pas été simple pour en arriver là, une défaite inaugural face aux anglais, un sauvetage miraculeux d’Amoros contre les Tchécoslovaques, un peu de réussite avec un second tour plutôt facile avec comme adversaires des Autrichiens et des Irlandais. Mais rien n'est volé et les français s'avancent fièrement face aux doubles champions du monde allemands.

Bien installé devant l'écran je vis intensément le début de match. Je l'ai compris depuis longtemps pour que les bleus soient forts il faut un Platini au top.


Une première mi-temps pour apprendre


Ce soir-là diminué par sa pubalgie il va, intelligemment, jouer assez bas laissant à Giresse et Genghini la direction du jeu dans le camp allemand. Lui dirigera la manœuvre d'un peu plus loin.

Le début de match est très compliqué et logiquement les allemands ouvrent le score par Littbarski.

C'est à partir de ce moment-là que les bleus se mettent à jouer. Dans mon fauteuil je reprends espoir. A côté mon père ne lâche pas l'écran des yeux, pourtant il n'est pas un fan de foot, et même ma mère regarde le match d'un œil.

Très logiquement les bleus vont rapidement égaliser. Rocheteau est ceinturé dans la surface. Penalty sifflé par M. Corver qui est encore dans son match.

Forcément il n'y a pas de discussion quant au tireur. Pas de penaltygate. Platini s'empare du ballon, prend le temps de l'embrasser, et sans trembler égalise. A aucun moment je n'ai douté, le capitaine des bleus maîtrise son sujet. Il est d'une grande sérénité, pourtant comme pour la plupart de ses partenaires c'est son premier grand rendez-vous international. Seuls les verts de 76 sélectionnés pour ce match ont déjà connus l'ivresse d'une demie où d'une finale.

La fin de la première mi-temps est sifflée. Tout va bien, les bleus sont dans leur match. Dans 15 minutes la reprise, les bleus vont faire la différence et dimanche ce sera la première finale du football français.

J'imagine déjà Platini soulever le trophée à Madrid.


Un drame en deux actes


Rien n'existe plus autour de moi. C'est à peine si j'entends le téléphone sonner. Ma mère a répondu et alors qu'elle appelle mon père pour venir prendre le combiné je ne me doute pas que cette soirée qui se doit d'être une fête est en train de tourner au drame.

A peine a-t-il raccroché que mon père me demande d'aller rapidement promener le chien. Mon grand-père est en train de nous quitter et c'est dans l'urgence que mes parents doivent quitter la région parisienne pour rejoindre la Bretagne avant son dernier souffle. Soudain le match n'a plus un intérêt aussi important. Lorsque je quitte la maison pour faire un tour du quartier avec notre chien la seconde mi-temps débute. Et à peine dans la rue je me reconnecte avec la rencontre.

C'est l'été, il fait chaud. Par les fenêtres des villas ouvertes j'entends les commentaires de Thierry Rolland, les cris des gens. Le match je continue malgré tout à le suivre. Toute la France semble vibrer avec les Bleus.

Lorsque je reviens à la maison la voiture est sortie du garage, quelques consignes et mes parents sont déjà sur la route. Je rentre dans le salon ? tout est silencieux. Je regarde la télé éteinte.

Le dilemme est grand, ai-je le droit moralement de me replonger dans un match de football pendant que mon grand-père vit ses derniers instants ? Un peu fébrile j'appuie sur le bouton et l'image revient. Le score est toujours de 1 partout. Platini est toujours sur le terrain. Enfin une bonne nouvelle. C'est futile mais ça fait du bien.

Je me replonge dans le match et comme toujours Platini va me redonner le sourire. Sa passe pour Battiston est une merveille, il y a tout dans son geste : la vision du jeu, la vitesse d'exécution et la précision.

Tout ce que j'admire chez lui, résumé en une action. Malheureusement Battiston n'est pas un attaquant, malheureusement Schumacher n'est plus un gardien mais un assassin. Je suis totalement atterré devant mon écran. Un deuxième drame dans cette soirée, moins personnel mais tout de même terrible. Le choc a été invraisemblable et Battiston est au sol, comme mort.

A cet instant Platini n’a peut-être jamais été aussi grand. Il est digne lorsqu’il raccompagne en le tenant par la main son ami, inanimé sur la civière. Son attitude est grande, il est un capitaine parfait dans cette épreuve.

Le match reprend, tout est devenu un peu flou. La frappe d'Amoros sur la barre je la vois de loin car mes parents qui sont arrivés chez mon oncle et ma tante afin de poursuivre la route avec eux, m'appellent.

Le match est terminé. Prolongation.


Quelques sourires puis le désespoir


Il reste 30 mn pour se défaire des Allemands. Surtout ne pas aller au tirs but. Il y a quelques semaines pour son dernier match pour un club français Platoche a livré une partition parfaite, auteur de 2 buts et pourtant la coupe de France s'est de nouveau refusé à lui battu lors de cette terrible séance.

Ce soir pourtant nous n'en passerons pas par là. Coup sur coup Trésor et Giresse donnent aux bleus 2 buts d'avance. C’est fini. J'en oublie presque le drame familial qui est en train de nous toucher. Les bleus sont en train de me redonner du bonheur.

C'est mal connaître l'abnégation allemande, c’est oublier que l’arbitre n’est pas à la hauteur. En un rien de temps ils renversent la vapeur. Suite à deux grosses fautes non sifflées c’est tout d’abord Rummenigge qui ramène les Allemands à un but. Puis Fischer leur offre l’égalisation. Dix tirs au but plus tard le rêve est passé.

Les drames se sont enchevêtrés lors de cette soirée et la nuit va être longue. Quarante ans plus tard tout est gravé dans ma mémoire. Forcément.

Platini et ses Bleus ont réellement fait partie de ma vie ce soir-là. Liés à jamais à l’image de mon grand-père que je ne reverrai jamais. Quatre ans plus tard un autre match, gigantesque aussi celui-là, aura un épilogue plus heureux à Guadalajara. Platini sera toujours là et j'aurai une pensée pour mon grand-père. Forcément.


Didier Bonnaure

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