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Les 50 qui ont marqué la Coupe du Monde : Diego Forlán

Une classe folle, des buts d'exception et un trophée de meilleur joueur du tournoi : la Coupe du Monde 2010 fut définitivement celle de Diego Forlán. Portrait d'un artiste du ballon rond.


Diego Forlan. Image : Paradoxe

Johan, Alain, Michel et Diego


Les trois coups de sifflet retentissent dans la nuit du Cap et tout le peuple Oranje exulte : trente-six ans après le onze légendaire de Rinus Michels, les Pays-Bas vont de nouveau connaître une finale de Coupe du Monde. Chez les Uruguayens, battus, certains fondent en larmes, d’autres se laissent tomber sur le sol. Et puis il y a Diego Forlán. Veste de remplaçant sur l’épaule, buste droit, regard grave, le capitaine du soir de la Celeste en l’absence de Diego Lugano est magnifique de dignité, comme toujours. Malgré son tournoi de folie et son nouveau but d’anthologie lors de cette demi-finale, Diego Forlán ne disputera pas la finale de la Coupe du Monde. Un crève-cœur pour beaucoup, tant il aura été exceptionnel durant tout ce Mondial 2010.

Ainsi, plutôt que d’entrer dans la légende en tant que vainqueur, l’attaquant de la Celeste prend place au sein de la liste de quelques uns des plus beaux perdants magnifiques du football. Il y a eu Johan Cruyff lors de la Coupe du Monde 1974, Alain Giresse et Michel Platini en 1982, il y aura désormais Diego Forlan en 2010. Comme ses illustres prédécesseurs, l’attaquant uruguayen sur lequel personne ne misait, a su guider son équipe vers les sommets avant de tomber les armes à la main. Dans la défaite, la classe de la star de l’Atlético Madrid n’en est que magnifiée. Frappé par la grâce depuis le début de la compétition, Forlan est cette fois redevenu humain. Touché physiquement avant la demi-finale face aux Pays-Bas, il a finalement dû s’incliner face à plus fort que lui, non sans avoir envoyé avant un dernier caramel du gauche dans la lucarne du portier néerlandais. Oui, Diego Forlán ne remportera jamais la Coupe du Monde mais, à jamais, la dix-neuvième édition de la compétition sera associée à son nom.


La saison de sa vie


Lorsque Diego Forlán débarque en Afrique du Sud au début du mois de juin 2010, il vient de réaliser la saison de sa vie. A 31 ans, l’attaquant de l’Atletico Madrid a certes moins marqué que la saison précédente (Soulier d’Or européen en 2008-2009 avec 32 buts en Liga contre 18 en 2009-2010) mais il a été l’artisan majeur de la victoire des Colchoneros lors de la toute première édition de la Ligue Europa, anciennement Coupe de l’UEFA. Auteur d’un superbe doublé en finale face à Fulham, il est définitivement entré dans la légende de l’Atlético Madrid qui remportait là son premier trophée majeur depuis 1996.

Pourtant, malgré la classe de son attaquant vedette, peu de monde donne cher de la peau de l’Uruguay avant la Coupe du Monde 2010. Très critiqué au pays pour son style de jeu jugé trop défensif, le sélectionneur Oscar Tabarez n’inspire par la confiance de son peuple mais est en revanche entièrement suivi par ses hommes, Forlan le premier, qui n’hésitent pas à se plier à ses consignes défensives. Organisée en 4-3-3 avec un trident offensif Suarez-Forlán-Cavani, la sélection uruguayenne a pourtant de quoi faire le spectacle. Si elle ne le montre guère au cours de son premier match face à l’Equipe de France (0-0), elle se libère ensuite face à l’Afrique du Sud lors de la seconde rencontre de poules. Et bien entendu, c’est son leader d’attaque qui va lui montrer le chemin. Dès la 25ème minute, Forlán reçoit le ballon aux 30 mètres, il se remet sur son pied droit et envoie une frappe flottante exceptionnelle qui se loge sous la barre du gardien sud-africain, médusé. C’est le premier but d’une série de bijoux pour le numéro 10 uruguayen à la frappe de balle sensationnelle, une qualité encore amplifiée par le caractère très flottant des ballons du Mondial 2010. Auteur d’un second but sur pénalty en fin de match, Forlán est logiquement élu homme du match de cette rencontre et rassure ceux qui craignaient que, avec ses soixante matchs disputés dans la saison, le buteur de l’Atlético n’arrive complètement bouilli à la Coupe du Monde. Laissant la cape du héros à Luis Suarez pour le troisième match de poule face au Mexique (1-0) et pour les 1/8ème de finale face à la Corée (2-1, doublé pour El Pistolero), Forlán s’apprête à jouer de nouveau les sauveurs lors du 1/4 de finale contre le Ghana.


Docteur Forlán et Mister Suarez


S’il ne fallait retenir que dix matchs dans toute l’histoire de la Coupe du Monde, il y a fort à parier que le 1/4 de finale légendaire disputé entre le Ghana et l’Uruguay à Johannesburg le 2 juillet 2010 aurait son mot à dire. Pour son affiche déjà, puisque pour la première fois depuis le Cameroun de Roger Milla, une nation africaine s’était hissée en 1/4 de finale grâce à sa victoire en prolongations face aux États-Unis au tour précédent. Sur le papier, Uruguay et Ghana comportent d’ailleurs de nombreuses similitudes. Modèles de courage et d’abnégation, les deux sélections ont confié leur brassard de capitaine à un défenseur central symbolisant cette « grinta » (John Mensah côté Ghana, Diego Lugano pour l’Uruguay) et ont dans leur rang un leader d’attaque d’exception. En effet, chez les BlackStars, l’attaquant du Stade Rennais Asamoah Gyan s’est révélé comme un fer de lance de tout premier ordre depuis le début la compétition. Buteur décisif contre la Serbie (1-0) et l’Australie (1-1) en poules, c’est encore lui qui a offert la victoire aux siens en 1/8ème de finale face aux USA. Lugano contre Mensah, Forlán contre Gyan, la rencontre s’annonce donc palpitante avec de nombreux matchs dans le matchs. Dans une ambiance « vuvuzelesque », les deux équipes se rendent d’abord coup pour coup avant que, à l’approche de la mi-temps, le Ghana ne trouve l’ouverture sur une frappe lointaine de Sulley Muntari. Désormais dominateurs, les BlackStars semblent bien partis pour s’imposer mais, à la 57ème minute, Diego Forlán réagit de la plus belle des manières. Sur un coup franc à l’angle de la surface, le numéro 10 de la Celeste enroule une merveille de ballon flottant qui termine sa course dans la lucarne du portier Ghanéen Richard Kingson. Un éclair dans la nuit pour une équipe d’Uruguay dominée par des BlackStars en feu.

La rencontre, rallongée par 30 minutes de prolongations, reste indécise jusqu’à cette fameuse 120ème minute gravée à tout jamais dans l’histoire du Mondial. Suite à un coup franc excentré, le ballon est repris par Stephen Appiah qui catapulte une demi-volée vers le but mais Suarez sauve du pied sur sa ligne ! Le ballon revient vers Dominic Adiyiah qui reprend de la tête, le défenseur Jorge Fucile tente une claquette du désespoir et échoue mais pas Luis Suarez qui claque le ballon en dehors des buts. Pénalty et carton rouge pour El Pistolero, sorti en larmes. La pression de tout un peuple sur les épaules, Asamoah Gyan peut alors faire du Ghana la première nation africaine à atteindre le dernier carré de la Coupe du Monde en inscrivant son pénalty, un simple pénalty comme ceux qu’il a transformé sans trembler face à la Serbie et à l’Australie. Mais cette fois, le ballon s’envole et heurte la barre. Suarez exulte, l’arbitre siffle la fin du match.

La séance de tirs aux buts sera fatale aux Ghanéens. Parfaitement lancés par Forlán, les Uruguayens ne tremblent pas et réalisent un quasi sans-faute (un échec seulement) alors que côté ghanéen, John Mensah et Adiyiah échouent tous les deux. L’Uruguay est en demi-finale grâce à ses deux héros : Diego Forlán, le bon, la classe incarnée, leader génial et admiré et Luis Suarez, lui aussi talentueux mais bien plus fourbe, accrocheur, truqueur parfois et honni par beaucoup. Si différents sur le plan humain, les deux hommes se complètent parfaitement sur le plan technique. Évoluant un cran plus bas que son compère d’attaque, Forlan est à la fois un 10 et un 9 tandis qu’El Pistolero dévore les espaces et va jouer des coudes dans la zone de vérité. Une complémentarité exceptionnelle qui, avec la suspension de Suarez, va cruellement faire défaut à l’Uruguay lors de sa demi-finale face aux Pays-Bas.


Les dernières merveilles de Diego Forlán


En l’absence de Suarez, c’est le jeune Edinson Cavani qui est aligné à la pointe de l’attaque aux côtés de Forlán contre les Pays-Bas. S’il est déjà un joueur confirmé, ce Cavani là n’est pas encore le Matador qui va terroriser les défenses d’Europe pendant plus de dix ans sous les couleurs de Naples ou du Paris-Saint-Germain. L’absence de Suarez est donc plus que préjudiciable, d’autant plus que Forlán commence à être rattrapé par son corps. Sur une jambe, le leader d’attaque de la Celeste ne peut guère participer au jeu comme il en a l’habitude et éprouve une gêne pour frapper de son pied droit. En face, les Pays-Bas portés par le duo Sneidjer-Robben sont quant à eux au sommet de leur forme. Dès la 18ème minute, leur capitaine Giovanni van Bronckhorst, qui s’apprête à mettre un terme à sa carrière à l’issue du Mondial, décide qu’il ne peut pas se retirer sans avoir marquer de son empreinte le dernier tournoi de sa carrière. Alors, bien qu’excentré et à environ 30 mètres, il envoie une frappe phénoménale du gauche qui vient se loger dans la lucarne opposée de Muslera le portier uruguayen. Exceptionnel, ce but réveille Diego Forlán qui, vingt minutes plus tard, de près de 30 mètres lui aussi, envoie une merveille de frappe du gauche sous la barre de Stekelenburg. Ce sera son dernier coup d’éclat de la rencontre. Diminué, il est remplacé à la 84ème minute et voit les siens tomber en prolongations (3-2). Face à l’Allemagne pour le match pour la 3ème place, il s’offre un dernier but d’exception, une sorte de ciseau acrobatique de l’entrée de la surface, qui lui permet, malgré la défaite (2-3), de devenir meilleur buteur à égalité avec Sneidjer, Villa et Müller, d’une compétition dont il est également élu meilleur joueur. Après 70 matchs au compteur, il est enfin temps pour Forlán de se reposer. Ayant puisé dans ses dernières réserves pour tenter d’offrir à l’Uruguay une troisième Coupe du Monde, le magnifique numéro 10 ne parviendra jamais à retrouver son niveau à l’issue de la compétition. Après une dernière saison à l’Atlético, il connaîtra un passage manqué à l’Inter et des clubs plus exotiques. Sélectionné pour le Mondial 2014, il n’est plus que l’ombre du joueur qu’il était quatre ans plus tôt. A 35 ans, le poids des ans a fait son effet et le Forlán de 2010 n’est plus. En revanche, les souvenirs de ses exploits en Afrique du Sud, eux, sont immortels.

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