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Le football à travers les siècles : la Première Guerre Mondiale (12/X)

Dernière mise à jour : 3 janv. 2023

En pleine expansion un peu partout dans le monde depuis le début du siècle, le football va connaître avec la Première Guerre Mondiale son premier coup d'arrêt. Pendant quatre ans, les matchs internationaux vont pratiquement disparaître au même titre que les différentes compétitions nationales. Toutefois, l'arrêt des compétitions officielles ne va pas stopper la course effrénée d'un ballon qui, du front à l'arrière, va continuer de rouler...


Monument érigé à Ploegsteert en mémoire du "match de Noël" entre soldats Anglais et Allemands

The Football Must Go On


Il est communément admis que nos amis anglais ne font jamais rien comme les autres. A l'été 1914, au moment où le monde s'embrase, le ballon rond prend congé dans la totalité des pays belligérants : au revoir championnats nationaux et à dans 4 ans. La totalité des pays belligérants vous dis-je ? Non ! En Angleterre, on ne touche pas au sacro-saint people's game. Alors, à l'heure où des milliers de jeunes soldats britanniques s'en vont se faire tuer loin de chez EUX, les footballeurs professionnels anglais continuent de se disputer le titre de champion ainsi que la mythique F.A. Cup avec l'accord du War Office, le ministère de la guerre de nos voisins d'Outre-Manche. Inutile de dire que cette décision est vivement critiquée. Si la F.A. met en avant l'aspect thérapeutique du football qui, le temps d'un match, peut faire oublier la guerre à toute une population, on a bien du mal à admettre que des jeunes gens soient tranquillement en train de taper dans un ballon pendant que d'autres sont sous les feux ennemis pour défendre le pays. De plus, le championnat est entaché par un véritable scandale de matchs truqués qui conduira à la suspension à vie de sept joueurs, quatre évoluant à Manchester United, trois chez le rival de Liverpool. Achevant de discréditer le football professionnel aux yeux de la population anglaise, cette sombre affaire ne fera qu'accentuer la pression sur une F.A. déjà plombée par des problèmes financiers. Après avoir couronné Everton en championnat et Sheffield United en Cup, la doyenne des fédérations de football prendra la sage décision d'interrompre les compétitions nationales jusqu'à la fin de la guerre.


Le récit tragique de Lucien Gamblin


En France, aucun scandale de ce genre : dès l'annonce de la mobilisation générale, les joueurs de football rejoignent l'armée. Si le professionnalisme n'existe pas encore dans l'Hexagone, on aurait pu penser que les vedettes des Bleus auraient pu être dispensées de combattre et bien absolument pas ! Joueurs cadres de l'équipe de France d'alors, Gabriel Hanot, Pierre Chayriguès, Raymond Dubly ou encore Lucien Gamblin partent tous sous les drapeaux. Défenseur des Bleus et du Red Star, celui que tout le monde surnomme "Lulu" restera longtemps marqué par la découverte au front du cadavre de son manager au Red Star Roland Richard ( évoqué par Pierre Chayriguès dans ses "Souvenirs"). Il racontera cet épisode traumatisant dans le journal L'Auto en 1938 :


"Un soir cependant, j'ai connu une vraie douleur en tant que joueur de balle, en tant qu'homme. Participant à une relève avec sa section, Gamblin fait la rencontre d'un autre soldat qui vient s'adresser à lui :

- " C'est le lieutenant Gamblin qu'on vous appelle ?

- Oui.

- C'est vous qu'étiez joueur de football ?

- Oui.

- Eh bien ! vous avez un copain qui est resté là... un nommé Richard... il parlait beaucoup de vous. Faut croire qu'il vous aimait bien ?

- Où est-il ?

- Oh ! vous ne l'aurez pas... il est trop loin... et puis il est tué d'il y a deux jours... je vais vous le montrer."

Il glissa un fusil dans le trou d'une meurtrière, visa et me dit :

"Visez mon lieutenant, il est au bout..."

Je visai... Ensuite, à la jumelle, je reconnus, j'identifiai Richard... Pendant deux jours, je dressai des plans pour aller chercher son cadavre, ligoté dans les barbelés, pendant deux nuits j'essayai de ramper jusqu'à lui. On réussit à reprendre ses papiers, dans ses poches... Le reste - le corps d'un homme à qui le football devait beaucoup, à qui mon club devait davantage, à qui je devais l'amitié, le corps d'un chic sportif, quoi ! Les restes ... au milieu du troisième jour, un obus les dispersa. Il n'en resta rien."


Le dernier tir du Capitaine Nevill


Nous sommes le 30 juin 1916 et dans quelques heures, le capitaine Nevill, jeune soldat britannique de 22 ans, sait qu'il devra conduire ses hommes dans un assaut incertain des lignes ennemies. Proche des siens, Nevill a déjà réfléchi depuis longtemps à la façon de leur donner le courage nécessaire pour entrer dans l'arène au moment venu. Sa réflexion l'avait conduit à se procurer deux ballons de football lors de sa dernière permission à Londres. L'heure est donc venue de mettre son plan à exécution.

Le lendemain, à quelques minutes de se lancer dans ce qui va devenir la tragique "Bataille de la Somme", Nevill réunit une dernière fois ses hommes et leur montre un des deux ballons sur lequel il a écrit "Grande Finale de la Coupe d'Europe. East Surrey (du nom du comté d'origine des soldats du bataillon) VS Bavarois. Coup d'envoi imminent. Pas d'arbitre." Afin de détendre ses troupes, Nevill compare ainsi la sanglante bataille qui s'annonce à un simple match de football où il faudra être particulièrement rude avec l'adversaire. Puis, au moment de l'assaut, il envoie les deux ballons par delà les lignes ennemies et annonce offrir une récompense au premier qui parviendra à avancer balle au pied par delà la tranchée allemande ! Galvanisés par leur capitaine, les hommes de Nevill se lancent corps et âme dans la bataille et progressent vers le camp ennemi, sans perdre de vue les ballons de leur capitaine. Mais Nevill lui, n'est déjà plus. Touché dès les premières heures de la bataille, il ne reverra jamais ses hommes. En sa mémoire, ses compagnons d'armes écriront à sa famille pour expliquer l'affection et l'admiration qu'ils éprouvaient pour leur capitaine. Quant aux ballons, ils seront récupérés et l'un d'entre eux est encore conservé aujourd'hui au Princess of Wale's Royal Regiment à Douvres en Angleterre.


La trêve de Noël


On termine cette petite rétrospective d'histoires mêlant football et Première Guerre Mondiale sur une note plus légère avec la fantastique histoire de la trêve de Noël 1914. Alors que britanniques et allemands s'entretuent depuis des mois, les canons cessent de pleuvoir à l'approche du 25 décembre 1914. De chaque côté des tranchées, c'est l'occasion de soigner ses morts mais aussi d'ouvrir les colis envoyés par les familles : chocolats, cigarettes, etc. Puis, remarquant que de l'autre côté de la tranchée tout est calme aussi, un soldat, allemand ou anglais c'est selon, sort de sa tranchée et marche en direction du camp ennemi. Alors un soldat du camp d'en face vient à sa rencontre, les hommes se jaugent puis se saluent. C'est ainsi qu'après près de six mois de conflit, "une trêve de Noël" est décrétée entre les Tommies et les "casques à pointe". Si invraisemblables qu'elles puissent paraître, ces scènes de fraternisation entre les deux camps ont été nombreuses pendant la Première Guerre Mondiale. Sachant très bien que le camp ennemi devait supporter les mêmes atrocités, les belligérants avaient l'un pour l'autre une certaine compassion qui se dévoilait au grand jour lorsque les armes se taisaient. Ainsi, au cours de ces trêves, les deux camps entonnaient ensemble des chants de Noël, effectuaient des petites cérémonies en l'honneur de leurs morts et parfois, jouaient au football. En effet, plusieurs témoignages évoquent un matchs organisé entre Anglais et Allemands au court d'une de ces périodes de paix. Relaté dans le Times en janvier 1915, ce match se serait soldé par une victoire des britanniques sur le score de 3 buts à 2. Malheureusement, cette embellie ne durera guère : malgré sa formidable capacité à rassembler les Hommes, le football n'a pas le pouvoir d'arrêter les guerres.


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