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Le football à travers les siècles : la naissance de l’Équipe de France (10/X)

Dernière mise à jour : 6 oct. 2021

En 1904, l’Équipe de France de Football dispute le premier match officiel de son histoire face à la Belgique. Retour sur les débuts d’une histoire vieille de près de 120 ans.

L'Équipe de France qui affronta la Belgique le 1er mai 1904

Héros oubliés


En plus de 150 ans d’existence, le football a connu de nombreux héros qui, parce qu’ils étaient les premiers à réaliser telle ou telle action sont restés dans les mémoires. De Charles Alcock, père de la F.A. Cup à Stéphanie Frappart, première femme à arbitrer un match de Ligue 1, le monde du ballon rond a eu son lot de pionniers dont les noms ont été soigneusement consignés dans les livres d’histoire. Cependant, durant ce siècle et demi de football, plusieurs noms ont été rayés de « l’histoire officielle » et sont tombés définitivement dans l’oubli. On pense par exemple à Robert Crawford, gamin de 17 ans qui aurait inscrit le premier but de l’histoire du football international si la rencontre entre les Écossais de Londres et l’Angleterre de 1870 avait été retenu comme étant le premier match international de l’histoire. Mais, à cause des restrictions quant à la sélection des joueurs de l’équipe d’Écosse, ce match de 1870 sera supplanté par un Écosse – Angleterre disputé à Glasgow le 30 novembre 1872. Ce jour-là, Robert Crawford n’est déjà plus là et seule l’Histoire sait ce qu’il est devenu. Un autre exemple de ces héros oubliés est celui d’Emmanuel Aznar, buteur de l’OM entre 1936 et 1952 (avec une interruption d’un an en 1946-1947). Véritable machine à marquer, il a le malheur de connaître l’apogée de sa carrière en pleine Seconde Guerre Mondiale. Ainsi, son nonuplé record face à Avignon en 1942 et ses 45 buts inscrits en championnat lors de la saison 1942-1943 ne seront jamais homologués par la F.F.F., celle-ci ne prenant pas en compte les résultats des championnats dits « de guerre ». Sans cela, Aznar serait toujours le meilleur buteur de l’histoire du championnat de France sur une saison puisque le record est actuellement détenu par Josip Skoblar et ses 44 réalisations en 1970-1971. Incontestablement, le personnage que nous allons vous présenter maintenant fait partie de la même catégorie que Crawford ou Aznar. Son nom est Yvan Opigez et lui aussi a été effacé de l’histoire sur un détail. Si le temps en avait décidé autrement, il aurait en effet pu être considéré comme « le père de l’Équipe de France de football. »


Un pionnier nommé Opigez


Le nom d’Opigez apparaît dans la presse en 1899. Cette année-là, celui-ci se fait connaître en proposant la création d’une véritable Fédération Française de Football. A cette époque, le football français est en effet géré par des fédérations omnisports dont la plus importante est sans conteste l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (U.S.F.S.A). Peu encline à soutenir le développement du football par crainte que celui-ci ne devienne professionnel comme en Angleterre, l’U.S.F.S.A. est l’objet de nombreuses critiques de la part des clubs de football. Souhaitant faire remonter les doléances des clubs, Opigez les réunit donc et publie un manifeste évoquant la création d’une Fédération uniquement consacrée au football afin de faire pression sur les dirigeants de l’U.S.F.S.A. Si le conflit trouve une issue heureuse pour la fédération omnisports, celui-ci a permis à Opigez de se faire un nom. Modeste joueur du Club Français où il est également dirigeant, Opigez devient collaborateur avec de nombreux journaux dont L’Auto. Semblant disposer de relations avec l’étranger, il est missionné dès la fin d’année 1901 pour monter une équipe française qui irait défier plusieurs équipes en Hollande durant les fêtes de fin d’année. Propulsé dans un rôle semblable à celui d’un sélectionneur, Opigez s’attelle à sa tâche mais pour des raisons inconnues, le projet capote au dernier moment. Ce n’est que partie remise.


Dans « le Livre d’Or de l’Athlétisme » … ou presque


Pas découragé par cet échec, notre infatigable organisateur ne perd pas de vue son projet et, dès le mois de mars 1902, il entre en contact avec la Football Association afin d’organiser un match international entre « une équipe mixte composée des meilleurs joueurs français et une équipe mixte des onze meilleurs joueurs amateurs londoniens »[1]. Le projet prend forme et une fois encore, c’est Opigez qui chargé de monter cette « Équipe de France ». Cette fois, pas d’annulation de dernière minute mais un changement d’adversaire : plutôt que d’aller défier une équipe composée d’amateurs londoniens, le onze français va être opposé à un véritable club anglais, le F.C. Marlow. Toutefois, pour la presse de l’époque, peu importe l’adversaire : ce match constitue bel et bien une grande première dans l’histoire du football français. Dans La Vie au grand air du 26 avril 1902, le journaliste écrit : « Le lundi de Pâques, 31 mars 1902, fera date dans les annales athlétiques. Pour la première fois, une équipe réellement française, composée des meilleurs joueurs parisiens, franchit le détroit et alla prendre contact à Londres même, avec une des équipes les plus fortes d’Angleterre, le Marlow Football Club ». Si le terme « Équipe de France » n’apparaît pas encore, le caractère historique de la rencontre ne fait aucun doute pour le journal. Pour l’auteur de l’article, « les noms des onze joueurs français qui composaient l’équipe appartiennent maintenant au Livre d’Or de l’Athlétisme ». D’ailleurs, l’événement semble perçu de la même manière en Angleterre puisque près de 40 000 spectateurs se pressent pour assister à la rencontre qui a lieu sur la pelouse de Crystal Palace. Pourtant, la suite de l’histoire donnera tort au journal. Aujourd’hui largement oubliée, cette rencontre ne sera jamais considérée comme la première de l’histoire de l’Équipe de France et les noms des onze pionniers tomberont dans l’oubli…


L'Équipe de France qui affronta le FC Marlow. La Vie au grand air, 26 avril 1902. © Gallica

Une histoire d’homologation


Alors pourquoi ? Pourquoi le premier match de l’Équipe de France n’est pas cette rencontre de 1902 entre la sélection d’Yvan Opigez et le F.C. Marlow ? Parce que l’adversaire est un club et non une sélection ? C’est ce que l’on aurait pu penser mais alors comment expliquer que le France – Angleterre du 25 avril 1903 (soldé par une défaite 11-0, ouille !) n’ait pas été retenu non plus ? Cette rencontre, organisée à Paris sur l’initiative de Jack Wood -joueur de football et arbitre anglais vivant à Paris ayant fondé le club francilien des White Rovers- avait pourtant tout d’un véritable match international. Cette fois, l’équipe anglaise était réellement une sélection de joueurs de différents clubs alors que le onze français comportait des joueurs qui n’étaient plus seulement issus de clubs parisiens. En effet, les roubaisiens Léon et Maurice Dubly avaient été sélectionnés par Jack Wood au même titre que le havrais Charlie Wilkes. A l’arrivée, pour expliquer la non-homologation de ces rencontres en tant que premiers matchs de l’histoire de l’Équipe de France, il faut se tourner du côté des organisateurs de ces deux matchs. Tous deux joueurs et dirigeants de clubs parisiens, Yvan Opigez et Jack Wood n’en restent pas moins des promoteurs privés pour ces rencontres. Ainsi, s’ils obtiennent l’autorisation de rassembler des joueurs affiliés à l’USFSA pour ces matchs, l’équipe qu’ils sélectionnent ne porte pas le sceau de la fédération omnisports. En conséquence, ils ne disposent pas du caractère officiel que revêtira le fameux France – Belgique du 1er mai 1904.


Un France – Belgique pour l’histoire ?


Avant France – Belgique, l’USFSA reprend l’initiative de ces premières rencontres internationales pour un match contre les professionnels de Southampton en mars 1904. Cette fois, les journaux ne parlent plus d’équipe parisienne mais « d’équipe nationale de l’USFSA » voire carrément « d’équipe de France ».[2] L’USFSA étant directement impliquée dans l’organisation de la rencontre, la sélection des joueurs est réalisée par les membres son comité directeur de la section football et non-plus par un promoteur privé. Pourtant, une fois encore, on ne retient pas cette rencontre comme étant la première de l’histoire de l’Équipe de France, probablement parce que l’adversaire des Bleus est un club et non une sélection. Finalement, cette première rencontre sera donc bel et bien ce France – Belgique organisé à Bruxelles pour le 1er mai 1904 sous le nom de « Coupe Franco – Belge ». A la lecture des journaux de l’époque, il est assez étonnant de constater que ce France – Belgique resté dans l’histoire semble être un « non-événement ». Non pas que ce match n’intéresse pas les observateurs, bien au contraire, mais il n’est absolument pas présenté comme une grande première. Dans les jours qui précèdent la rencontre, le journaliste de L’Auto Ernest Weber s’attèle à répondre aux Belges qui s’imaginent largement triompher lors de cette rencontre. Pour contredire les voisins belges, Weber évoque « les parties récemment jouées par l’équipe française »[3] qu’il juge de bonne augure pour la rencontre. Après la rencontre, le constat est le même. Si l’on se félicite de la bonne prestation de l’équipe française qui obtient le match nul (3-3), si l’on évoque la rencontre et la présence des 2000 spectateurs, jamais on n’attribue à ce match un quelconque caractère historique. Ce n’est que plusieurs années plus tard que ce match deviendra officiellement « la première rencontre de l’histoire de l’Équipe de France », laissant à la marge de l’histoire de grands pionniers du football français tels que Jack Wood ou Yvan Opigez…

A suivre…


Sources :

[1] L’Auto, 12 mars 1902. [2] L’Auto, mars 1903. [3] L’Auto, 28 avril 1904

Le Journal des Sports 1899/1900

La Vie au grand air, 26 avril 1902

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