En 1949, la catastrophe de Superga emporte avec elle la légendaire équipe du Grande Torino dans l'un des plus grands désastres de l'histoire du football. La fin d'une ère pour le club mais aussi pour la Squadra Azzurra qui mettra du temps à s'en relever.
La reconnaissance des capitaines
Gênes, 27 février 1949. Alors que l’arbitre français Victor Sdez siffle la fin de la rencontre, deux hommes, brassards autour du bras gauche, marchent l’un vers l’autre et se congratulent. Le premier se nomme Francisco Ferreira et est le capitaine de la sélection portugaise qui vient de s’incliner 4 buts à 1 face à l’Italie. Pas rancunier, le milieu de terrain du Benfica félicite chaleureusement son homologue italien, le métronome du Torino Valentino Mazzola. Entre les deux hommes, le courant passe bien. Ils ont le même âge, évoluent au même poste et partagent une réelle estime l’un pour l’autre. Alors, comme le font deux amis au moment de se quitter, Ferreira et Mazzola se promettent de se revoir. S’estimant proche de la fin de sa carrière, le capitaine lisboète invite Mazzola à venir avec son club pour célébrer son jubilé en fin de saison. Touché par l’invitation, l’Italien donne sa parole d’honneur : un Benfica – Torino aura bien lieu avant la fin de saison 1948 – 1949.
Le Scudetto d’abord, le match contre Benfica après
Lorsque Mazzola rencontre son président Feruccio Novo et lui annonce qu’il a conclu un amical à Lisbonne pour la fin de saison, ce-dernier, et c’est un euphémisme de le dire, ne saute pas au plafond. En effet, en cette fin d’hiver 1949, le Torino est lancé dans une bataille sans merci pour conserver sa couronne de champion d’Italie qu’il conserve jalousement depuis 1946. Construit à coup de transferts retentissants pendant la Seconde Guerre Mondiale, le Torino est devenu en quelques années le symbole de la renaissance du football italien. Première équipe à adopter le WM anglais, celle que l’on surnomme le « Grande Torino » fournit à la sélection italienne l’immense majorité de son onze type. Ainsi, en décembre 1948, ils sont huit turinois (Mazzola, Loïck, Gabetto, Maroso, Ballarin, Menti, Grezar, Bacigalupo) à débuter la rencontre de la Squadra face à la Tchécoslovaquie. Pour compléter son équipe de rêve, le président Novo a également fait venir quelques étrangers : le tchécoslovaque Julius Schubert et deux français, Milo Bongiorni et Roger Grava. Tous deux débarqués en 1948, Bongiorni et Grava s’étaient faits connaître en France lors de la Seconde Guerre Mondiale. Buteur au tempérament de feu, Milo avait fait ses classes du côté du RC Paris tandis que Grava avait appris ses gammes à Amiens avant de se révéler au CO Roubaix-Tourcoing aux côtés de l’immense Henri Hiltl. Dotés de qualités certaines, Bongiorni et Grava avaient peiné à s’imposer lors de la saison 1948 – 1949 mais pouvaient légitimement espérer gagner leur place dans le futur : à 27 ans, les deux francese allaient bientôt atteindre la plénitude de leurs potentiels.
Ne perdez pas contre l’Inter … ou sinon !
Le 30 avril 1949, toute l’Italie du football retient son souffle. A cinq journées de la fin, le Torino se déplace à Milan pour affronter son dauphin, l’Inter. Avec quatre points d’avance sur les Nerazzuri, tout autre résultat qu’une défaite serait quasiment synonyme d’un quatrième titre consécutif pour les Granata. Néanmoins, la partie s’annonce serrée, d’autant plus que Mazzola est blessé ! Avant la rencontre, le président du Novo a été très clair avec ses troupes : en cas de défaite contre l’Inter, pas de déplacement à Lisbonne pour le match amical contre le Benfica trois jours plus tard. Outre le caractère décisif du match dans la course pour le titre, la perspective d’aller rencontrer Benfica sur ses terres est une source de motivation supplémentaire pour les joueurs turinois. Il faut se rappeler qu’en l’absence de Coupe d’Europe à cette époque, les rencontres internationales de clubs étaient relativement rares ! Alors, malgré un Inter survolté, le Torino tient bon. Dans les buts, Bacigalupo réalise des miracles face à des attaquants intéristes dépités. Au terme d’une rencontre plus que poussive, les coéquipiers de Bongiorni obtiennent un 0-0 miraculeux mais quasiment synonyme de nouveau Scudetto. Dans les vestiaires, le président Novo tient sa promesse : le match contre Benfica aura bien lieu.
L’ultime rencontre
Le 1er mai, toute l’équipe s’envole donc pour Lisbonne où elle atterri sans encombres quelques heures plus tard. Toujours blessé, Valentino Mazzola a tenu à faire le déplacement afin de tenir la promesse qu’il avait faite à Francisco Ferreira. Le 3 mai, il assiste donc aux célébrations pour la fin de carrière de son ami (carrière qui se prolongera finalement jusqu’en 1952!) et à la défaite des siens au terme d’un match ouvert (4-3 pour Benfica avec un but de Bongiorni côté italien). La rencontre se termine dans les embrassades et les « à bientôt ! » avant que les chemins de ces hommes ne se séparent, pour ne plus jamais se croiser.
Le dernier envol du Grande Torino
Il est aux alentours de 17 heures à Turin quand un bruit sourd se fait entendre en provenance de la colline de Superga à l’est de Turin. Très vite, les passants accourent de toutes parts et les rumeurs s’intensifient. Un avion aurait percuté la basilique au sommet de la colline avant de s’écraser en feu dans le jardin… Les bruits se font de plus en plus pressants et puis soudain, le silence. Dans l’avion, se trouvaient les héros de toute une ville, ceux qui avaient redonné de la fierté à un pays sorti détruit de la Seconde Guerre Mondiale. Dans l’avion, se trouvait l’équipe du « Grande Torino ». Le choc en Italie est immense. Au Parlement, les orateurs se succèdent pour évoquer leur peine tandis que des milliers de messages de condoléances affluent vers Turin. A 63 ans, le sélectionneur Vittorio Pozzo, héros des titres mondiaux de 1934 et 1938 est appelé à Superga pour identifier les victimes. Comme un père endolori, Pozzo égraine un à un le nom de ses joueurs, ses enfants, emportés par la catastrophe. Le bilan est terrible : 31 personnes trouvent la mort dont 18 joueurs parmi lesquels Mazzola, le légendaire attaquant Gabetto et les deux français Grava et Bongiorni.
Les larmes de tout un peuple
Dès le soir du 5 mai 1949, trois jours de deuil national sont décrétés en Italie. Du Portugal, Francisco Ferreira, inconsolable, envoie de l’argent pour les familles tandis qu’en Italie, on se prépare à l’ultime hommage à ces footballeurs de génie. Le 6 mai, ce sont plus de 500 000 personnes qui se presseront à Turin pour les obsèques des victimes de la catastrophe. En signe de solidarité, les autres clubs et la Fédération Italienne s’accorderont pour décerner le titre de champion au Torino qui disputera tout de même les dernières rencontres de la saison en alignant ses jeunes joueurs. Balayé par la catastrophe, le club turinois mettra 27 ans à renouer avec le titre de champion d’Italie. Aujourd’hui encore, le souvenir de la tragédie demeure extrêmement présent dans un club toujours en quête de son glorieux passé.
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