En 1938, l'Italie devient la première équipe à conserver son titre mondial en s'imposant en finale face à la Hongrie, quatre ans après son titre controversé remporté devant son public.
Préparation flamboyante
Quatre années. Quatre années se sont écoulées depuis ce soir de juin 1934 qui vit le gardien Giampiero Combi soulever le trophée de la Coupe du Monde dans un stade Nazionale en plein délire. De cette folle nuit romaine, il ne reste plus, en 1938, que des souvenirs. Capitaine de la Squadra de 1934, Combi a remisé ses gants au placard et beaucoup de ses coéquipiers l'ont imités. Monti, Orsi, Schiavio, Guaita... tous ont laissé leur place à la nouvelle génération. Mais cette nouvelle génération est prometteuse. Encadrés par les rescapés de 1934 (Monzeglio, Ferrari et Meazza, devenu capitaine), les jeunes italiens ont parfaitement repris le flambeau de leurs glorieux aînés, en atteste une préparation pour le Mondial français auréolée de succès. Pour leur premier match amical à Milan, Meazza et les siens réalisent un récital : une victoire 6-1 nette et sans bavure face à des Belges pourtant en forme après leur succès 3-0 en Suisse quelques jours auparavant. Côté italien, ce succès porte la marque de la nouvelle coqueluche du football transalpin, Silvio Piola, auteur d'un triplé. Aux côtés de son capitaine, premier cité par le journal L'Auto dans sa présentation des "Ténors de la Coupe du Monde", le buteur de la Lazio fait figure d'arme fatale d'une Italie qui semble encore plus complète qu'en 1934. Outre Piola et Meazza, le demi-centre Michele Andreolo et l'intérieur de l'Inter Milan Giovanni Ferrari font partie des meilleurs joueurs du monde à leur poste. En défense, le sélectionneur Vittorio Pozzo se tâte encore à choisir entre l'expérimenté Monzeglio (33 ans) et le défenseur de la Juve Alfredo Foni pour accompagner le tout jeune mais non moins indiscutable Pietro Rava. Un casse-tête ? Non, un choix de riche. Avec une charnière Foni-Rava pour le deuxième et dernier match de préparation pour le Mondial, la Squadra l'emporte 4-0 face à la Yougoslavie.
Le traquenard norvégien
Une équipe rajeunie mais toujours aussi forte, un Meazza qui est sans doute le meilleur joueur du monde, un Piola en feu : à quelques jours du début de la Coupe du Monde 1938, on voit bien mal qui pourrait empêcher l'Italie de filer tout droit vers un nouveau sacre. Seul le Brésil, précédé d'une belle réputation, semble pouvoir rivaliser. La Norvège, adversaire des Italiens pour le premier tour, elle, semble vouée à ne servir que de mise en bouche pour les hommes du sélectionneur Pozzo. Pourtant, les Norvégiens ne sont pas les premiers venus. Tombeurs de l'Allemagne Nazie lors des JO de Berlin deux ans plus tôt, ils ont déjà prouvé qu'ils étaient capables de créer la surprise.
Disputé à Marseille sous une chaleur éprouvante, le 1/8ème de finale de la Coupe du Monde 1938 entre l'Italie et la Norvège faillit bien accoucher d'une des plus grandes surprises de l'histoire du tournoi. Bousculés comme jamais par des Norvégiens puissants et motivés comme jamais, les hommes de Pozzo bafouent leur football, à l'image d'un Meazza qui passe totalement à travers. Disposant d'une avance d'un but acquise grâce à une réalisation de Pietro Ferraris d'entrée de jeu, les Italiens passent la totalité de la rencontre à subir les assauts de leurs adversaires. Dépassés dans les duels, ils sont maintenus en vie par leur gardien Olivieri avant de craquer à sept minutes du terme sur un but d'Arne Brustad, l'un des plus grands joueurs norvégiens de l'histoire. Galvanisés par cette égalisation, les Norvégiens inscrivent même un deuxième but dans la foulée mais l'arbitre le refuse pour un hors-jeu plus que contestable... La chance des coéquipiers de Brustad est passée. Guère brillants mais plus efficaces, les Italiens reprennent l'avantage grâce à un but de Piola en prolongations et se qualifient pour les 1/4 de finale. Consterné par la prestation de la Squadra, le journaliste de L'Auto dépêché sur place pour l'occasion écrira le lendemain :
"Les Italiens ne présentent pas cette année une grande équipe. A part Ferrari et Olivieri, leurs joueurs ne sortent pas autrement de la bonne moyenne des internationaux. Au résumé, il semble impossible de les considérer plus longtemps comme les favoris du tournoi".
Le cadeau de Pimenta
Les jours qui suivent le match contre la Norvège sont difficiles pour les Italiens. Sévèrement critiqués au pays mais aussi partout en Europe, ils ont à cœur de réagir en 1/4 de finale face à la France. Remis en cause pour ses choix face aux Norvégiens, le sélectionneur Vittorio Pozzo remanie son équipe pour ce 1/4 de finale. Décriés pour leur mauvais match au tour précédent, le vétéran Monzeglio, et les attaquants Pasinati et Pietro Ferraris sont écartés au profit de Foni, Biavati et Colaussi. Pozzo vient de trouver son équipe-type. Un cran au dessus d'une équipe de France combattive (à laquelle nous avons consacré ce dossier), les transalpins se qualifient pour les demi-finales (3-1) grâce à un but de Colaussi et un doublé de Piola. Toutefois, après la Norvège et la France, les coéquipiers de Meazza vont cette fois faire face à l'autre grand favori du tournoi : le Brésil. Portés par leur attaquant Leônidas, les Auriverde ont offert un match incroyable au public de Strasbourg en 1/8ème (victoire 6-5 face à la Pologne) avant de venir à bout de la Tchécoslovaquie en 1/4 de finale (2-1 au match replay après un premier résultat nul marqué par une violence inouïe de la part des deux camps).
S'ils sont sortis vainqueurs du duel, ces deux matchs face à la Tchécoslovaquie ont épuisé les Brésiliens qui n'ont qu'un jour de repos avant d'affronter l'Italie. Conscient de l'état physique de ses troupes mais convaincu de se qualifier pour la finale, le sélectionneur brésilien Pimenta décide de faire souffler Leônidas et Tim, ses deux meilleurs joueurs depuis le début du tournoi, pour la demi-finale face aux Italiens. Un excès de confiance fatal. Privé de son habituel allant offensif, le Brésil déjoue face à une équipe italienne parfaitement organisée. Bien aidés par un pénalty généreux obtenu à l'heure de jeu, les hommes de Pozzo l'emportent sans trembler malgré une ambiance on ne peut plus hostile. Sur fond de montée des tensions entre la France et l'Italie fasciste de Mussolini, le public de Marseille prend violemment à partie l'équipe italienne, au point de tenter de s'en prendre au car des joueurs à l'issue de la rencontre. Un match terne et un climat délétère, ce qui devait constituer le grand match du tournoi ressemble finalement à un rendez-vous manqué.
Docteur Sarosi, Mister Meazza
Le 19 juin 1938, plus de 45 000 spectateurs se pressent à Colombes pour la grande finale de la Coupe du Monde française. A l'issue d'une quinzaine marquée par les exploits des Leônidas, Willimowski et autres Piola, l'Italie affronte la Hongrie pour s'adjuger le titre suprême. Cette opposition entre les deux meilleures équipes du tournoi offre également un duel entre deux des meilleurs joueurs du monde : Giuseppe Meazza et Györgi Sarosi. Le premier, qui évolue au poste d'intérieur (équivalent du milieu offensif) à l'Inter Milan est le meneur de jeu de la sélection italienne. Capable à la fois d'être à la passe et à la finition il a été l'un des grands artisans du parcours de l'Italie lors de ce mondial. Quant à son rival hongrois, il possède un profil peu banal pour un footballeur. Docteur en droit, cet avant-centre qui évolue à Ferencvaros est le plus grand joueur de l'histoire de la sélection Magyare, avec son héritier Ferenc Puskas. A l'instar de Meazza, il est le véritable maître à joueur d'une sélection dont il est également le capitaine. Charismatique au possible, Sarosi est un grand connaisseur du football qui n'hésite pas à donner son avis sur la tactique employée (en 1942, un désaccord sur le sujet lui vaudra même de provoquer un temps en duel le président de la Fédération Hongroise !). Deux grands capitaines pour deux grandes équipes, la finale à venir s'annonce passionnante.
L'Italie reste au sommet
On a dit à juste titre que le titre italien de 1934 avait été sévèrement entaché par un arbitrage plus que douteux. Quatre ans plus tard, malgré des décisions litigieuses face à la Norvège et au Brésil, il semblerait cette fois que le triomphe italien ne souffre d'aucune contestation. Car en finale, les transalpins ne vont laisser aucune chance aux joueurs hongrois. Jamais réellement inquiétés par leurs adversaires, les hommes de Pozzo s'imposent 4 buts à 2 dans un match à sens unique. Jouant le rôle du distributeur d'offrandes, Meazza est l'homme de la rencontre avec ses deux passes décisives tandis que Piola inscrit ses 4ème et 5ème but de la compétition. Meilleur joueur hongrois, Sarosi marque l'un des deux buts de sa sélection mais cela ne suffit pas : comme le titre L'Auto au lendemain du match, "la victoire va à la meilleure équipe de la Coupe du Monde". Beau perdant, le capitaine hongrois ne dira pas autre chose aux journalistes venus l'interroger :
"Permettez-moi de vous dire ma grande admiration pour deux intérieurs aussi intelligents, aussi clairvoyants, que Ferrari et Meazza, pour un réalisateur comme Piola. Etre battus par l'équipe d'Italie telle qu'elle a joué aujourd'hui, nous console en grande partie de la défaite."
Malheureusement, la victoire italienne acquise sur le terrain du sport n'échappera pas à la récupération politique. Présenté par le régime de Mussolini comme une victoire du fascisme sur des démocraties décadentes, le triomphe de la Squadra, marqué par les nombreuses manifestations d'hostilité du public français, s'inscrit dans un contexte de montée des tensions entre les pays européens. Une montée des tensions qui aboutira à la guerre et à la disparition de la Coupe du Monde pendant 12 ans...
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